La bande jouait dans les lagunes et les roseaux, elle admirait les matchs de « volley » des grands, sur le terrain jouxtant le Restaurant, qu’ils avaient aménagés eux-mêmes derrière le « mur de l’atlantique ». Les étés rythmaient les années avec le retour régulier des touristes migrateurs, des musiciens belges, du prestidigitateur helvète, d’ouvriers parisiens et même …… (coupé dans le texte)
L’hiver, les parties de pétanque homériques, où la psychologie comptait autant que l’adresse occupaient l’espace déserté. J’allais vers mes dix-huit ans et nous n’étions plus tout à fait des enfants, nous partions en de folles cavalcades sur nos mobylettes pétaradantes, avec les filles en croupe, vers Vence, Grasse et d’autres lieux lorsque ce Paradis terrestre fut menacé, des bruits d’expulsion, de destruction courraient.
Au printemps de cette année, je fus invité par un camarade de Lycée, comme moi fervent kayakiste, au Club de la Mer à Nice, et là dans un coin du hangar étaient empilées plus d’une vingtaine de périssoires en compressé, lourdes et peu maniables, destinées au Kayak-Ball. Toutes ou presque prenaient l’eau et le Club de la Mer les donnait pour une somme symbolique à qui voulait les emporter.
J’en parlais aux copains du « Week-End » et nous décidâmes le Baron à venir les charger sur son camion (il en avait alors un). Mes Kayacks furent repeints, maladroitement calfatés et remisés sur la plage.
Un Garde-champêtre vint alors voir Monsieur Jean Beilhartz (il aidait à l’époque la Baronne de Fleury – mère – ) à gérer le restaurant et expliqua que les kayaks ne pourraient rester sur la plage sans autorisation municipale.
Monsieur Jean nous conseilla de « monter » un club officiel, afin d’obtenir cette autorisation et peut-être un terrain. Étant le plus âgé des adolescents, habitué à endosser les responsabilités pour la bande, je me chargeais des démarches. J’allais voir Monsieur Buccalo, le Président du Stade Laurentin, qui nous accepta comme l’une de ses sections. Le terrain nous fut alors attribué par la Mairie. Monsieur Marius Trastour, canoéiste et horticulteur connu et influent, devint le premier Président de ce que nous avions baptisé le Club Var-Mer. Au rouge et or, couleurs de la Provence, Monsieur Trastour préféra le jaune et vert, marqué des régiments de Chasseurs Alpins de la région. Voilà l’origine des premières couleurs du club, peut-être en avez vous changé depuis ?
Les premiers statuts, ou plutôt règlement intérieurs de la section étant rédigés et acceptés, il nous fallut construire un hangar. Je trouvais de vieilles baraques Adrian dont le Collège technique Pierre Sola (où mon père enseignait) voulait se débarrasser. Le camion du Baron servit encore beaucoup et l’hiver fut passé à construire le hangar. Mais déjà mes études me prenaient trop et je me détachais du noyau fondateur.
Monsieur Jean était la cheville ouvrière : il gardait le club, l’aménageait, en assurait le goudronnage du sol (ce qui aggrava peut-être le mal qui le rongeait et accéléra plus tard sa fin douloureuse).
De véritables kayackistes de rivière quittèrent le Club de la Mer et firent du CVM un club de kayack renommé, des compétitions furent organisées. La première fut la descente du Var « -La Manda- Saint Laurent », la chose était alors possible même pour les débutants car les barrages n’existaient pas. Une section de dériveurs fut constituée et le CVM envoya trois d’entre nous s’initier à la voile à l’école du distingué yachting Club de Villefranche / Mer mais une fois munis de notre beau diplôme de maîtres barreurs, nous ne fûmes guère doués pour initier les autres.
En 1968, à la fin du mois de Mai, par un violent Mistral, le club brûla, avec l’ancêtre de tous les kayaks, celui de Jean Paul Seguran, les dériveurs furent sauvés in-extremis et tout fut à refaire.
La Mairie nous accorda alors un hangar moderne en tôle qui plus tard fut déplacé vers l’ouest à la hauteur des « Flots Bleus ».
Puis le « Week-End » fut détruit pour laisser place au rivage désertique et bétonné de Cap3000 et Monsieur Jean mourut. La bande de copains se dispersa seuls les Valdois restaient assidus au club, tandis que Jean Paul Seguran y laissait son Grand-Duc, après avoir fait don d’un Vaurien à la section voile du CVM.
Je me mariais alors et partit enseigner l’Histoire loin de Nice… vous connaissez la suite puisque c’est vous qui l’avez accomplie.